LA CROIX – L’irrésistible essor des « bachelors »

26/03/2018 | 12:00 Sciences Po médias  

Importé du monde anglo-saxon, ce diplôme à bac + 3 fait partie depuis une petite dizaine d’années du paysage de l’enseignement supérieur français.

Réputé professionnalisant et tourné vers l’étranger, il concurrence aujourd’hui les DUT et les « prépas ».

Longtemps, les « bachelors » – équivalents anglo-saxon de la licence – étaient essentiellement proposés dans des écoles de commerce. Mais sur fond de mondialisation de l’enseignement supérieur, bien d’autres établissements s’y sont mis. À commencer par Sciences Po, qui a lancé le sien il y a neuf ans. « Le terme ”licence” n’aurait pas parlé à nos étudiants internationaux, qui constituent 45 % de nos effectifs de première année », justifie Bénédicte Durand, la doyenne de son collège universitaire.

Le bachelor y fait partie intégrante du cursus ordinaire, qui conduit à l’obtention, en cinq ans, d’un master. « Il constitue un diplôme de fin de premier cycle autonome et cohérent permettant à ceux qui le souhaitent de s’insérer sur le marché du travail ou de bifurquer vers d’autres formations en France ou à l’étranger », souligne Bénédicte Durand. Sciences Po vient, tout en conservant l’appellation « bachelor », d’obtenir pour ce cursus la reconnaissance par l’État du grade de licence.

Un autre fleuron de l’enseignement supérieur, Polytechnique, a franchi le pas récemment. « La France laisse partir de plus en plus de jeunes bacheliers brillants vers des universités hors de ses frontières », constate Jacques Biot, son président. « De plus, le cursus de polytechnicien n’est guère lisible, à l’étranger, pour les étudiants comme pour les partenaires avec lesquels nous organisons des échanges académiques. Ce bachelor nous fait sortir de la cour des grandes écoles françaises pour entrer dans celle des grandes universités internationales », se réjouit Jacques Biot.

La stratégie de Polytechnique, cependant, est différente de celle de Sciences Po. Si son bachelor, qui a accueilli en septembre une première promotion de 71 élèves (pour deux tiers étrangers), mobilise les mêmes professeurs et chercheurs que le cursus d’ingénieur, s’il met lui aussi l’accent sur les maths, la physique, l’informatique et l’économie, la formation se fait exclusivement en anglais, elle est payante (12 000 € pour les Européens, 15 000 € pour les autres, là où les futurs polytechniciens perçoivent une solde) et le niveau est moins élevé.

D’abord pensés pour séduire des étudiants étrangers, ces diplômes attirent en tout cas les jeunes Français, malgré des frais d’inscription très élevés (jusqu’à 30 000 € pour trois ou quatre ans de formation). De fait, dans beaucoup d’établissements, le recrutement pour le cursus « grande école » se fait à bac + 2, après une classe préparatoire. Mais nombre d’entre eux proposent aussi des bachelors dès le bac, avec une sélection sur dossier. Rejoindre une telle formation permet d’entrer, par la petite porte, dans une institution réputée et d’obtenir un diplôme portant sa « marque ».

« Une fois obtenu le bachelor, on n’est pas assuré de pouvoir rejoindre le cursus principal via les procédures d’admission parallèles », prévient Carole Gibrat-Tach, rédactrice en chef du pôle économie-gestion à l’Onisep. « Mais parce qu’on connaîtra la culture de la maison, ce sera probablement plus facile que si l’on venait de l’université ou d’un IUT », glisse-t-elle.

« Nous voulions proposer une alternative à des jeunes gens qui ne souhaitent pas s’inscrire en prépa ou à l’université, ou qui n’ont pas l’envie ni le courage de s’engager dans des études longues », confie de son côté Dominique Le Meur, la directrice de Made iN Sainte-Marie Lyon. Cet établissement, qui fait partie d’un ensemble scolaire catholique de 4 500 élèves, de la maternelle au master (en partenariat avec des universités étrangères), propose notamment deux bachelors, l’un en communication et création numérique, l’autre en management et développement, très tourné vers l’international, puisqu’il est entièrement dispensé en anglais et inclut un séjour d’un an au sein de l’université de Coventry (Grande-Bretagne). « Des cursus qui allient compétences techniques et humanités, avec par exemple un parcours interreligieuxet éthique », précise Dominique Le Meur.

Si les écoles (de management mais aussi d’ingénieur, d’art, de journalisme, etc.) s’engagent dans cette voie, c’est aussi que ces diplômes permettent de construire des cursus d’une grande souplesse, souvent en lien avec le tissu professionnel local et des partenaires étrangers. Des cursus qui peuvent aussi s’avérer hyperspécialisés, dans la joaillerie, l’océanographie ou encore l’ingénierie en mécanique et matériels aéronautiques.

Denis Peiron



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