L’Étudiant – Frédéric Mion : “Nous rejoindrons Parcoursup en 2020”

05/04/2019 | 12:00 Sciences Po médias  
Hausse de l’attractivité, réforme de l’entrée en première année, Parcoursup, nouveaux partenariats avec des universités étrangères… Frédéric Mion, directeur de Sciences po Paris, fait le point pour EducPros.

En 2018, Sciences po a dépassé les 20.000 candidats à l’entrée tous niveaux confondus, soit une hausse de 16 % par rapport à l’an passé. Comment expliquez-vous cette forte hausse de l’attractivité ?
 
Tout d’abord, il y a eu une dynamique très forte des candidatures internationales à l’entrée à Sciences po pour la rentrée 2018. C’est sans doute lié à l’institution elle-même et à l’effet de projecteur que peut, par exemple, constituer une troisième place au classement mondial des universités QS pour la science politique et les relations internationales. Cela joue nécessairement sur son image et sa capacité à attirer des talents.
Il y a probablement eu aussi un effet de comparaison des évolutions politiques qui a été favorable à la France, par rapport à d’autres grandes nations universitaires, comme le Royaume-Uni ou les États-Unis.
Par ailleurs, nous avons connu une croissance très significative du nombre de candidats à l’entrée en master, suite à la modification de la procédure d’entrée, où l’épreuve écrite a été remplacée par une double évaluation de dossier. Nous voulions la rendre plus attractive auprès des candidats, notamment issus de formations scientifiques, pour qui l’épreuve écrite pouvait constituer un frein.
 
L’objectif a-t-il été atteint ? Les étudiants admis en master ont-ils des profils vraiment plus diversifiés ?
 
L’idée de départ était de dispenser d’épreuves écrites les étudiants qui avaient tendance à avantager des profils, comme ceux issus de classes préparatoires littéraires ou économiques. Le pari a été gagnant : nous avons connu une croissance significative du nombre d’élèves issus de filières scientifiques, dont le nombre d’admis a été multiplié par quatre, mais aussi des filières économie, gestion et finance…
 
Où en êtes-vous du rapprochement avec Parcoursup ? Quelles sont les pistes pour réformer l’entrée en première année ?

L’idée est de rejoindre le dispositif en 2020. Nous travaillons actuellement avec les services du ministère pour voir comment nous pouvons procéder au mieux. Nous menons, en parallèle, une réflexion sur la réforme de la procédure des admissions en première année, prévue pour 2021, et un groupe de travail est actuellement à l’œuvre. Nous devrions être en mesure de communiquer sur le sujet d’ici à l’été.
 
Vous avez annoncé récemment la création de Civica, un consortium de sept universités européennes. De quoi s’agit-il exactement ?

Il s’agit d’une alliance entre sept institutions européennes qui ont en commun d’être spécialisées en SHS [sciences humaines et sociales]. En réponse à un appel à candidatures de la Commission européenne, nous avons souhaité nous rapprocher autour d’un projet européen et marquer cette foi collective dans l’importance des SHS. Ainsi est née Civica, l'université européenne de sciences sociales. Ce projet se vit comme une étape supplémentaire de la construction d’une Europe de l’enseignement supérieur, qui agira aussi largement sur notre rayonnement international.
L’importante métamorphose qu’a connue Sciences po depuis le début des années 2000 nous a propulsés à un niveau de reconnaissance internationale jamais atteint jusque-là.
L'objectif est de construire des parcours de formation communs à l’échelle européenne. Il s’agit de penser un espace d’études et de travaux de recherche, et de nous mobiliser autour de thèmes qui nous semblent particulièrement cruciaux : les enjeux et les transformations des démocraties au XXIe siècle, la transition écologique et les crises environnementales, l’irruption des nouvelles technologies dans nos disciplines et, bien sûr, leur impact sur les sociétés.
Concrètement, les étudiants et les enseignants de ces sept universités à Paris, Berlin, Milan, Florence, Stockholm, Budapest, Bucarest et Londres pourront s’engager dans des projets collectifs transeuropéens. Ils pourront suivre des enseignements communs à travers l’Europe, auront des possibilités de mobilité facilitées et des diplômes qui sanctionneront ces parcours. Nous avons présenté un projet pilote qui, s’il est retenu par la Commission européenne, va être amené à se développer dans les trois prochaines années, afin de préfigurer un véritable campus européen.
 
Vous avez également annoncé récemment la création d’un nouveau double diplôme avec l’université de Strathmore à Nairobi au Kenya. En quoi cette université était-elle intéressante pour vous ?
 
Si le développement de notre internationalisation en Afrique a commencé il y a une dizaine d’années, nous souhaitons accélérer cette présence en densifiant nos partenariats avec les acteurs locaux. Il importait que nous trouvions les bons partenaires pour donner corps à cette ambition de proposer des parcours de formation à d’excellents étudiants africains, dans une logique de réciprocité à laquelle nous tenons beaucoup.
Nous avons commencé par installer un bureau de représentation à Nairobi, pour des raisons qui tiennent à la fois au développement extraordinaire que connaît l’est du continent africain, et aussi à notre volonté de nous adresser à l’Afrique francophone comme anglophone. Dans le paysage universitaire kenyan, nous avons identifié l’excellente université Strathmore, la première université privée du pays, avec laquelle nous avons perçu des valeurs communes et un fort intérêt pour une coopération comme celle que nous souhaitions bâtir.
 
Vous êtes dans votre deuxième mandat à la tête de Sciences po. Quel regard portez-vous sur ces six premières années à la tête de l’institution ?
 
Ces six années ont été extrêmement denses en termes d’activité et enrichissantes sur le plan personnel. Pour l’institution elle-même, cela a été aussi, je crois, des années de mutation. Nous avons pris conscience que l’importante métamorphose qu’avait connue Sciences po depuis le début des années 2000 nous avait propulsés à un niveau de reconnaissance internationale jamais atteint jusque-là. Il s’est donc agi pour nous d’installer des fondations solides et d’inscrire nos ambitions dans la durée.
Par ailleurs, ce qui me frappe beaucoup entre ma prise de fonctions en 2013 et aujourd’hui, c’est l’accentuation d’un phénomène : la forte défiance à l’égard des élites, et, plus largement, à l’égard de toute forme d’expertise, ou de hiérarchie fondée sur le savoir. Pour nous, c’est une source continuelle d’interrogations sur ce qu’il nous faut faire de différent pour armer nos étudiants face aux défis qu’ils auront à relever demain, à commencer par le défi de la légitimité des futurs décideurs aux yeux de nos concitoyens.
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